Il n’a rien d’une superstar mais tout du designer cérébral. Derrière ses lunettes à larges montures noires, Denis Gagnon a quelque chose qui rappelle à la fois Marc Jacobs et Saint Laurent… en plus irrévérencieux!

Après avoir étudié en modélisme, il a été tour à tour concepteur de costumes pour le cinéma et le théâtre, enseignant en patron et moulage au Maroc pour le Collège LaSalle et, finalement, créateur de mode. Son parcours de designer semé d’embûches et de tracas financiers n’aura pas eu raison de sa passion pour la mode. Après avoir fermé boutique il y a deux ans, il est revenu à ses ciseaux il y a deux saisons, histoire de se remettre à la création d’une vraie collection. Le designer ne les avait pourtant jamais vraiment quittés, lui qui s’était concentré sur une clientèle privée depuis la fermeture de son point de vente. «La mode, c’est vital pour moi. De toute façon, c’est ce que je sais faire de mieux», dit-il.

À la vue des premiers looks monochromes, on sent que Denis Gagnon s’est astreint à un exercice intelligent sur la forme et la matière. Boudant les imprimés, le créateur impose une palette de tons yinet yang ponctuée par des dorés plus ou moins éclatants et des rouges et fuchsia vitaminés. Sa vision du printemps est fidèle à sa signature: un chic faussement nonchalant, décliné dans des silhouettes déconstruites, graphiques, ponctuées de détails féminisant comme des jeux de drapage, de nouage et de tressage.

«À la base de mon inspiration, il n’y a jamais de thématique, souligne-t-il. Comme je travaille exclusivement en moulage, c’est la matière et les textures qui guident mon inspiration.» Cette saison, le designer privilégie le jersey doux, dans lequel il taille des robes tuniques pour une garde-robe caméléon. «J’ai beaucoup travaillé cette option de la robe malléable hyperpratique à porter de mille et une façons. On peut la réinventer chaque fois qu’on la porte», explique-t-il.

Celui qui s’est principalement fait remarquer pour ses cuirs lacérés, tailladés ou plissés reste fidèle à sa matière fétiche. Explorant de nouvelles allégories textiles à chacune de ses collections, Gagnon n’hésite pas à modifier la texture de l’agneau fin en le plongeant dans un bain bouillant, de façon à obtenir des sillages subtils qui lui confèrent plus de caractère. «Je suis constamment à la recherche de nouvelles techniques qui vont redéfinir l’ensemble de la collection. Cette fois, j’ai travaillé des tresses issues d’un procédé appris en stage sur la fourrure à Saga Fur, à Copenhague.» Il transforme ensuite ce tressage en jeux de torsades, en noeuds et en drapés pour un effet tridimensionnel réussi. La peau fine se taille en robes, tantôt à capuchon, tantôt à col rabattu, ou encore en vestes minimalistes aux épaules légèrement galbées et arrondies. Si chaque pièce est signée d’une modernité absolue, on sent tout de même que leur longévité excédera largement plusieurs saisons.

PHOTO: ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Denis Gagnon

Comme d’habitude, la griffe Denis Gagnon sort des sentiers battus en jouant sur les contradictions. Elle oscille entre la structure et la déconstruction, entre la rigidité et la fluidité, entre le féminin et le singulier. Le créateur avoue candidement que son style singulier pour fashionistas avisées seulement s’est un brin assagi. «Je pense que ma collection est plus accessible aujourd’hui et qu’elle sied à un plus grand nombre de femmes», dit-il. Contrairement à la croyance populaire, le créateur insiste sur le fait qu’il ne faut pas être une brindille à la taille de mannequin pour enfiler ses robes de jersey et veste de cuir.

Même les plus insensibles à son style ont frissonné à la vue de la formidable maroquinerie qui accessoirisait les différents passages. Depuis deux saisons, il imagine une gamme de sacs à main pour la fabrique de cuir centenaire Fullum&Holt de Montréal. Pochettes rectangulaire nervurées, besaces format XL et autres fourre-tout maxi sont des pièces luxueuses, mais pas ostentatoires. Composés de bandes de cuir, ils sont dotés de courroies, sangles et quincaillerie robustes. «J’ai voulu les sacs très utilitaires, précise-t-il. C’est pour ça que j’ai créé des modèles transformables à pochettes détachables et d’autres qui se portent de trois façons pour plus de polyvalence.»

La collection automne est offerte chez Browns, Dubuc et U&I. Celle du printemps a été lancée dernièrement à New York et a capté l’attention de boutiques luxueuses comme Intermix et Te Casan. Seul bémol? Dommage que cette minicollection de sacs ne porte pas la griffe du créateur ou du moins une simple mention de collaboration sur l’étiquette de la maison Fullum&Holt…

Source: https://www.lapresse.ca/societe/mode-et-beaute/200810/23/01-32088-denis-gagnon-le-designer-dune-classe-a-part.php